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Reprendre pied

Quelque part dans le quartier Saint-Michel à Montréal, Les Maisons de l’Ancre est un organisme qui vient en aide aux femmes en difficultés. Anonyme, à l’abri des regards, ou plutôt en pleine lumière, tellement commun qu’il ressemble à tous les autres, le bâtiment qui héberge l’organisme propose neuf places en foyer et deux en appartement dit « satellite». Le long des couloirs étroits à l'ambiance feutrée et paisible, on croise de temps à autre des pensionnaires. Discrètes, effacées, les femmes qui habitent là ont parfois l'air de fantômes et quelle que soit leur apparence physique, elles donnent l'impression d'être petites, fragiles et craintives à l'approche d'un visiteur étranger. « Les dames que nous hébergeons ici ont quasiment toutes été victimes de violences conjugales de façon directe ou indirecte, explique Diane Fortin la directrice du lieu. Soit elles ont été violentées par leur conjoint, soit elles ont assisté dans leur enfance à ce genre de scènes et souffrent des conséquences qui en découlent ». Anorexie, boulimie, troubles de la personnalité, itinérance...Une chose est sûre, qu'on ait levé ou non la main sur elles, ces femmes-là sont meurtries.
Faire le choix de s'en sortir
Chaque pensionnaire a un «crédit-temps» de deux ans au foyer. Elle peut rester trois mois et repartir si elle en a envie, si la pente à remonter est trop raide, si elle replonge dans la drogue ou si tout va mieux et qu'elle a repris pied plus vite que prévu. «Nous ne sommes pas là pour faire la morale, poursuit la directrice. On les accompagne dans leur prise de conscience, elles gardent leur pouvoir de décision sur tout, mais pour tout le temps où elles restent ici, elles doivent être motivées et s'impliquer dans le foyer et dans leur changement de vie». La mission principale des Maisons de l'Ancre est de permettre aux pensionnaires de se réinsérer dans la société. « Bien souvent quand elles arrivent ici, elle n'ont plus de repères. Elles se négligent, elles dorment le jour…On les aide à retrouver un quotidien et les habiletés qui vont avec, comme l’hygiène personnelle, l’entretien du logement, les activités extérieures de socialisation… ». Et pour que les résidentes du foyer ne deviennent pas dépendantes de l'organisme, elles suivent des ateliers dans d'autres associations du quartier: yoga, nutrition, comment faire son budget, comment sortir de l'endettement...Ce qui leur permet aussi de se faire de nouveaux amis, de prendre part à la vie du quartier. «Notre approche, se veut humaniste et féministe, insiste Diane Fortin. Et chaque intervenante reçoit une formation spécifiquement féministe. Mais ce que nous voulons transmettre par ce biais-là, au-delà d'une idéologie et de revendications, ce sont des valeurs comme l'estime de soi, le respect et nous voulons aussi leur apprendre à prendre leur place dans la société et à se faire respecter.»
À l'abri des étiquettes
L'autre mission des Maisons de l'Ancre est de protéger les femmes qui viennent y trouver refuge. Les dix personnes qui travaillent dans l’organisme restent discrètes quant à la localisation du foyer et prennent bien soin de donner à l’endroit l’apparence d’une habitation banale pour ne pas éveiller la curiosité parfois mal placée des riverains. « Nous nous devons d’être hypervigilants pour protéger nos pensionnaires de toute personne qui pourrait vouloir leur nuire, insiste la directrice, comme un mari violent ou les membres d’un gang pour qui elles se prostituaient… ». L’anonymat les protège aussi du jugement d’autrui, de la pitié, du regard désapprobateur qu’on pourrait facilement poser sur leur apparence, leur style… Il protège aussi et surtout de l’étiquette « Femme en difficulté » qu’on leur poserait rapidement sur le front en les voyant sortir de là, cette étiquette qui marque et qui blesse souvent la peau de façon plus durable qu’un coup.

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