Depuis sa sortie, le 20 octobre dernier, le premier album de Tintin en québécois, Colocs en stock, (directement adapté du Coke en stock d’Hergé) a fait couler beaucoup d’encre et rarement pour récolter des éloges. Proposé à plusieurs reprises par le sociologue québécois Yves Laberge aux éditions Casterman, le projet a fini par séduire et le « traducteur » a eu carte blanche pour remplir les bulles du célèbre reporter belge. Malheureusement l’accueil populaire a été plus que froid de ce côté-ci de l’Atlantique. « Ridicule », « grotesque », « farce monumentale », les 62 pages ont déclenché l’ire des tintinophiles et des (nombreux) défenseurs de la langue française, donnant lieu à de multiples diatribes souvent dignes du Capitaine Haddock.
Que reproche-t-on à Yves Laberge?
« Une traduction infidèle », « un abus de vocabulaire passéiste », « une sur-joualisation » des dialogues… La liste est longue. Mais le reproche que l’on retrouve le plus souvent dans la bouche ou sous la plume des Québécois reste le suivant : « Yves Laberge pense-t-il que la majorité des Québécois n’est pas capable de comprendre la version originale en français? ». Loin d’être fiers comme les Chtis et les Alsaciens de voir exister leur patois dans la bouche de ce personnage mondialement connu, les Québécois se sentent insultés. Peu considèrent comme Yves Laberge qu’il s’agit là « d’une célébration de la langue française telle qu’on la vit de nos jours au Québec ». Interrogé à ce sujet, Benoît Mélançon, directeur du département des littératures de langue française à l’Université de Montréal souligne d’abord le manque flagrant de rigueur de l’ouvrage : « Un même mot peut apparaître plusieurs fois, parfois même sur la même page, sous des orthographes différentes, explique-t-il pour commencer. Et puis cette conception de la langue est très archéologique, déconnectée de la réalité linguistique contemporaine ». Le joual, comme il est présenté par Yves Laberge n’a donc pas voix au chapitre. Pourtant, Les Belles-soeurs de Michel Tremblay, avaient su trouver en leur temps (la fin des années 1960) un public et beaucoup de soutien.
Quelle est donc la différence?
Outre la surprise, le contexte soixante-huitard y est pour beaucoup selon Benoît Mélançon. « La polémique avait été beaucoup plus violente en 1968, explique-t-il. À cette époque personne n'avait jamais entendu pareille «langue» sur une scène de théâtre à Montréal. Le choc avait été considérable. Cela faisait partie d'un mouvement de contestation sociopolitique beaucoup plus large et relevait de ce mythe d'une langue propre au Québec. Aujourd'hui, je ne vois personne qui se réclame du «joual». Depuis plusieurs années, ce débat me paraît clos. » Quoi qu’il en soit, il semble que le succès marketing de Colocs en stock ne se démente pas, lui. Depuis sa sortie, l’album controversé est classé parmi les meilleures ventes de BD au Québec, juste derrière le Livre d’or d’Astérix qui, du fin fond de son village gaulois, sait mieux s’attirer en ce moment les faveurs des Québécois…
Commentaires
Pour M.Tremblay (que j ai lu et pas vu au theatre) cela ne m a pas choque non plus!
Mais je comprends les Quebecois qui ne veulent pas qu on pense qu il parle mal le Francais!